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Kofi Setordji et le génocide du Rwanda

Kofi Setordji est né à Accra en 1957. Il débute sa carrière artistique comme calligraphe et peintre d’enseignes. Dans cette fonction intermédiaire ouverte sur la rue, le client vient commander une banderole ou une pancarte, à charge pour le peintre de l’honorer éventuellement avec une touche personnelle. La peinture de Kofi Setordji porte ce souci de dialogue et d’inclusion sociologique. Elle reprend et décline la culture de la couleur et de l’adresse intrinsèque à la peinture populaire. Elle remet en scène des pratiques d’intérêt anthropologique et expose ses remarques sur l’éternel humain.

Kofi Setordji est aussi sculpteur. Ce métier, il l’a appris de 1984 à 1988 auprès Saka-Acquay, le vénérable artiste ghanéen qui avec Kofi Antuban, reste l’un des maitres de la sculpture ghanéenne. Bois, métal, bronze, pierre, terre cuite : avec chacun de ces matériaux et souvent en les connectant, Kofi Setordji développe sa ligne personnelle en abordant des sujets tour à tour affectifs, philosophiques, et sociopolitiques. On retrouve dans l’espace public d’Accra, plusieurs structures monumentales réalisées par KOFI Setordji dont Brain-drain (la fuite des cerveaux) qui montre des personnages sans mains.

Génocide, son installation géante créée en 2000, est une évocation instruite et bouleversante de la tragédie de Rwanda 1994. L’installation qu’il propose à Abidjan est une version abrégée de celle de 2000, en dépôt en Allemagne. L’installation se présente comme une réflexion globale sur les génocides et un appel à la lucidité des Africains quant au mal que l’homme, tout homme, peut infliger à son prochain : son voisin, son ami. Elle commence par le corps étalé d’un homme : le premier mort du génocide rwandais.

Comment s’appelait-il ? Quel âge ? Homme ou femme ? Où, quand, qui l’a-t-il tué ? Difficile à dire et cependant, comment imaginer une chose sans son commencement et comment reconnaître et certifier que c’est là le vrai début des choses ?

Ce premier homme a un visage et de toute évidence, il a eu droit à une sépulture. Ceux qui suivront n’auront pas ce privilège. La fosse commune sera leur lot. À des tueries de masses, correspondent des ensevelissements de masses. Et les génocidaires, et les témoins, et communauté dite internationale, qui regardent sans voir, qui écoutent sans rien entendre… Et le tribunal, et les pièces à conviction. Et les politiciens aux paroles creuses et aux ventres en cercueils vides ?

L’installation se termine par un mot : Hope. Espoir, espérance car l’homme n’est pas seulement abonné au pire, il peut aussi le meilleur.

Extrait du catalogue de l’exposition « Akwaba Kofi Setordji! » (mai – juin 2021)

Yacouba KONATE © 2021

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